L’ aventure du Projet Mandrin « Roman inachevé »
Un chapitre tous les 5 de chaque mois
Après une année 2020 particulièrement éprouvante, nous risquons d’avoir encore du temps pour lire en ce début d’année 2021 donc, comme promis dans la précédente lettre, nous avons décidé de vous raconter l’histoire…du « Projet Mandrin » tel qu’il a commencé, tel qu’il s’est épanoui et tel qu’il s’achèvera…(Mais comme dirait Kipling : ceci est une autre histoire !) . Récit agrémenté d’anecdotes inédites, suspens, fous rires, quelques poussées d’adrénaline, de colères et parfois de larmes.
GENÈSE :
Il était une fois…Toutes les histoires commencent ainsi, n’est-ce pas ? Qu’elles finissent bien ou mal, il y a toujours une première fois…Donc, c’était il y a longtemps, un beau soir (dans les contes, les soirs sont toujours « beaux ») Jean-Max ayant vu à la télé une émission historique qui racontait l’incroyable destin d’un contrebandier dauphinois, instilla le poison dans la plume de Michèle lui intimant ( très gentiment) l’ordre de jeter les premières bases d’un scénario sur ce personnage. Michèle, qui n’était pas d’un naturel docile, fit sa mauvaise tête refusant au départ de se plonger dans cette histoire trop « testosteronée » à son goût. Une histoire d’hommes, une histoire violente, une histoire d’un autre temps…Mais sa curiosité étant bien plus grande que sa misandrie, elle se plongea dans un ouvrage sur Louis Mandrin et fût immédiatement séduite par ce rebelle aux allures de star de l’écran. Le temps passa. Temps nécessaire à la gestation d’une première version d’un scénario, trop long, trop lourd, trop chronologique et qui, après avoir été présenté à quelques producteurs, finit ses jours dans un classeur sur une étagère avec quelques frères malheureux.
Quelques années plus tard, après avoir connu de multiples créations au théâtre ou dans l’audiovisuel, le hasard (qui n’existe pas, comme chacun sait) poussa Jean-Max et Michèle à louer un gite dans l’Avant-Pays Savoyard. Le jour de leur arrivée – il pleuvait des hallebardes- après s’être un peu perdus près de la Mairie de Ste Marie d’Alvey ils finirent par découvrir « La Clémentine », et dès la porte franchie, ils eurent la surprise d’être accueillis par Mandrin près d’un beau feu de bois. Non, ce n’était ni une hallucination, ni le Musée Grévin ou même un fantôme ! Simplement une reproduction du personnage sur un tissu tendu sur le mur de pierres dès l’entrée dans cette ancienne bergerie aménagée en gite chaleureux et rustique. Jean-Max et Michèle échangèrent un regard complice, ils voyaient là un signe du destin qui les ramenait vers un scénario resté enfoui dans un placard à Paris, vers des écritures, des recherches effectuées sans avoir mis les pieds sur les terres de Mandrin…
La suite de la visite leur fît découvrir une bibliothèque largement pourvue en ouvrages sur le personnage et une fenêtre au dernier étage d’où ils purent apercevoir les tourelles du Château de Rochefort, là même où le contrebandier avait été arrêté dans la nuit du 10 au 11 mai 1755, avant d’être roué à mort le 26 mai sur la Place des Clercs à Valence…
Les artistes sont superstitieux par tradition, par nature, par bravade aussi, toujours est-il que Jean-Max et Michèle avaient crû voir ce jour-là dans ces signes un clin d’œil du destin qui les invitait peut-être à ouvrir à nouveau l’ancien manuscrit. Chantal, la propriétaire des lieux – ou devrais-je dire « la fée de ces lieux » – avait eu très vite des étoiles dans les yeux quand ils avaient parlé de ce scénario, du premier coup de foudre pour ce personnage, du désir filmique …Mais il fallait déjà quitter le XVIIIe siècle, les illusions de tournage et rentrer à Paris, les vacances étaient finies. .
Pourtant, presque malgré eux, une petite étincelle avait mis le feu aux poudres, réveillant autant de rêves que de cauchemars et plus encore de questions sans réponses. Bien sûr le désir… mais le partager avec qui ? Avec quelle équipe ? Quel producteur acceptera de se lancer dans un tel projet à costumes ? Classé « film historique » plutôt que « aventures » il fera peur à une bonne part d’incultes qui détiennent – hélas – les clefs des coffres !..Cependant après ce voyage et les visites sur le territoire, ce qui les troublait c’était le véritable culte voué à Mandrin, les rues baptisées à son nom, le Musée Dauphinois qui lui avait dédié une exposition, sa statue érigée à l’entrée de sa ville natale, toute cette mémoire entretenue donnait une furieuse envie de réunir les énergies pour construire ensemble…Non, ce serait de la folie ! Oui mais la foi peut abattre des montagnes ! Drôle de dilemme qui devait alimenter encore des heures et des heures de discussions.
Nous avions gardé un lien avec Chantal grâce à internet, un blog, facebook, ce contact nous rappelait qu’un certain contrebandier Dauphinois et/ou Savoyard selon l’endroit où on se place dans l’histoire… ne nous perdait pas de vue depuis ses montagnes à quelques centaines de kilomètres du Sacré Cœur…Sans se laisser bercer par le chant des sirènes, il fallait réfléchir encore avant de s’engager dans une aventure qui pouvait prendre des mois de travail. La passion est ennemie de la lucidité, ce ne furent pas des mois, mais des années…
GENÈSE suite
Chaque jour qui passait nous forçait à repousser l’idée de se plonger dans un projet irréaliste. Les discussions se succédaient à Montmartre alors que l’espoir enflait du côté de Ste Marie d’Alvey. Vous ai-je dit que notre « bonne fée » Chantal, était une femme insidieusement têtue et persuasive ? Elle savait avec ses confitures aux tomates vertes, ses bouquets champêtres et ses conseils de visite nous faire aimer un peu plus à chacun de nos déplacements, cet avant pays savoyard qui vit les derniers jours de Mandrin. Et le hasard – qui, je le répète – n’existe pas, fît que Michèle dût revenir jouer un spectacle à quelques dizaines de kilomètres de Ste Marie, du côté de Grésy sur Aix. Chantal fût une spectatrice assidue, n’hésitant pas à franchir quotidiennement ou presque les kilomètres qui la séparaient du lieu de la représentation. Le lien était maintenant tissé et solidement. Un jour de relâche après un délicieux repas sous le saule pleureur de son jardin- c’était l’été – elle nous invita à faire un tour au château de Rochefort dont elle connaissait le propriétaire. Grosse émotion, nous nous trouvions à l’endroit même où Mandrin avait été capturé dans la nuit du 11 mai 1755. Capture illégale, violente, dans d’ignobles conditions…Certes le « gentil » château d’aujourd’hui en partie en ruine et en partie restauré sans grâce n’était pas tout à fait semblable à celui dans lequel Mandrin venait prendre du repos entre deux campagnes de contrebande, mais les pierres d’époque se souvenaient encore de son histoire. Impossible de ne pas laisser libre cours à son imagination.
L’actuel propriétaire était un homme discret, taiseux – comme le sont souvent les Savoyards – mais suffisamment affable pour nous offrir en partant quelques plumes de ses paons qui se promenaient dans la cour intérieure du château. Heureuse, je les ai longtemps conservées comme un « talisman » de Mandrin…Jusqu’à ce que j’apprenne bien plus tard que les jolis yeux moirés des plumes de ce phasianidé portaient malheur ! Certes, les Grecs considéraient que le paon était un animal mystique, capable de voir le passé, de prédire le futur et de protéger son propriétaire contre le mauvais œil. Chez les Hindous, encore, le paon symbolise la compassion, tandis que dans la culture japonaise, il est synonyme de beauté et d’amour. ..Mais parmi les superstitions les plus connues, on dit que les plumes de paon portent malheur. Qu’en a -t-il été sur le Projet Mandrin ? Nous ne le saurons jamais.
Toujours est-il que cette visite avait ravivé notre désir de revenir vers le personnage qui nous attendait sagement rangé dans un classeur d’archives. Quelques temps plus tard, la « bonne fée » obstinée nous offrait le « Mandrin » dédicacé de Marie Hélène Dieudonné très riche en iconographie alléchantes.
Le contrebandier savoyard nous faisait-il signe pour renaître de ses cendres tel le Phénix ? …Absurde ! Mais un peu obsessionnel quand même . A Paris, nous évitions le sujet, en Savoie, nous nous laissions tenter, mais il y avait des projets en cours dont un qui nous tenait particulièrement à coeur, un projet au nom volontairement imprononçable « Caledfwlch » (caledvor) le nom gaélique de Excalibur l’épée du roi Arthur. Une comédie déjantée au coeur d’ un jeu de rôles grandeur nature. Nous venions justement d’en tourner le teaser avec Fabian Richard, David Alexis, Stéphane Russel, François Bourcier – comédiens que nous devions retrouver plus tard dans « MANDRIN » Nous étions attachés à ce projet, il n’était pas question de se disperser…Le teaser fît un tabac sur les réseaux sociaux MAIS les producteurs sollicités n’osaient pas s’aventurer sur un terrain qui ne leur était pas suffisamment familier pour le trouver « bankable » . L’équipe était formidable et le travail avec le chef opérateur Gérard Thomas que Jean-Max connaissait déjà , nous encourageait à continuer l’aventure ensemble.
Ce sacré Mandrin finissait par nous hanter et s’évertuait à prendre toute la place. Pas surprenant d’ailleurs que celui qui s’était couronné lui-même « Capitaine des contrebandiers de France » aime à se mettre en avant. Petit à petit ce cher mégalo poussait « Caledfwlch » en coulisses pour occuper le devant de la scène, même plus de deux cents cinquante ans après sa mort, le charisme légendaire de Mandrin opérait.
Après moult discussions mouvementées, nous avons commencé à envisager une forme moins risquée qu’un long métrage mais qui permettait d’utiliser une partie du travail déjà existant sur le scénario rangé dans les archives. Un docu-fiction permettait en effet un financement plus léger que celui d’un long métrage cinéma et offrait – nous semblait-il – moins de contraintes. En parallèle, nous développions (déjà) l’idée d’associer la population amoureuse de son héros, au montage financier du film. Bien sûr l’idée d’abandonner le rêve du grand écran pour le petit était un peu douloureuse, mais le désir de réalisation était si fort que nous nous efforcions de l’accepter.
Nous nous sommes donc mis au travail pour construire une chronologie à partir de scènes piochées dans les précédentes versions de scénario pour le côté « fiction » en les ponctuant de potentielles interviews d’intervenants, historiens, universitaires, responsables d’archives pour la partie documentaire. Ces premières pages devaient nous permettre un début d’exploration sur le terrain auprès des institutions, des entreprises et des particuliers pour tester la faisabilité de la chose…Et « la chose » se devait d’avoir un nom pour être repérée dans les prises de contact téléphoniques ou par mails et nous l’avons baptisé « PROJET MANDRIN ».
C’était le début de l’aventure…
A SUIVRE…
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Nous patienterons pour la suite de ces souvenirs…..! partagés en partie.
Je souhaite…….( rien du tout ) pour respecter votre volonté.
Mais bises quand même.
Bernard
Toujours avec vous…même si dans le chaos des émotions! Projet tellement réfléchi, historique, fresque utile pour cette mémoire d’un rebelle !
Donc mes pensées fleuries de réconfort, de motivation, d’espoir!
Je suis ravie de découvrir la genèse de ce beau projet, que je suis depuis (presque) ses débuts.
Merci pour ces souvenirs et ces images… ♥